Rendez-vous avec la mort

Prologue — RALM

Que feriez-vous si vous saviez exactement comment vous alliez mourir ?

J’aurais aimé n’avoir que des préoccupations de mon âge. Pourtant, je connais exactement le déroulement de mes derniers instants, à l’exception de la date. Pendant longtemps, je me suis demandé comment gérer l’information. Faut-il profiter de chaque instant qui éloigne cette pensée morbide ? Préparer mon testament ? Dire à mes proches que je les aime ? Dresser une liste de tout ce que j’ai envie d’accomplir avant de mourir ?

C’est le genre de question philosophique que l’on se pose rarement, sauf quand on y est confronté. C’est mon quotidien depuis bientôt deux ans. Pourquoi moi ? Que faire ? Dois-je vraiment me lever ce matin ? Et pour combien de temps encore ?

Cette interrogation m’accompagne, dès mon réveil, lorsque je contemple mes cernes violacés dans le miroir de la salle de bain. Je peux admirer mon reflet : une femme beaucoup trop maigre pour son propre bien, dont les yeux marron injectés de sang s’enfoncent dans leurs orbites. Pour ne rien gâcher, mon teint ne se départit jamais d’un aspect maladif et mes lèvres sont si sèches qu’elles se craquellent.

Cela me taraude, tout en coiffant mes cheveux, seule note dissonante à cette partition inquiétante. Je veille à entretenir soigneusement mon épaisse chevelure blonde. Elle encadre donc harmonieusement mon visage et cascade dans mon dos.

Ils auraient pu présenter un réconfort, mais sont, malheureusement, une nouvelle source de dégoût viscéral ; le signe de ma vanité. Pourquoi donc prendre soin d’une telle tignasse ? Est-ce un sursaut de vie, comme cette impulsion électrique que notre cerveau envoie pour s’assurer que nous ne sommes pas en train de mourir, alors que nous nous endormons ? Je ne comprends pas l’intérêt. Je n’ai pourtant aucun espoir de survie, non ? Jusqu’à présent, cette dispute entre la partie irrationnelle de mon cerveau, qui prend soin de mes cheveux, et mon mépris est restée irrésolue. À défaut, ou peut-être pour ne pas basculer complètement dans la folie, je continue à m’en occuper religieusement.

Durant mes journées, rythmées par les cours et les repas qui finissent inévitablement dans la poubelle, mes tourments n’ont de cesse de me poursuivre. Un rire, une démarche, un mot… Tout peut réveiller les souvenirs et me rappeler à cette réalité : je vais mourir. Chaque jour pourtant, je dois avancer. Survivre, avoir peur de vivre, sursauter à chaque ombre…

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6 Comments

  • Nina

    J’ai beaucoup aimé la lecture de ce prologue ! J’ai un très vague souvenir du précédent, que j’avais lu sur Wattpad, mais je ne compte pas aller le relire, afin de pouvoir pleinement profiter de cette nouvelle version.

    Tu écris très bien et j’adore ton style ! C’est frais, c’est maîtrisé et travaillé, bref, un régal !

    Continue comme ça !

    • onirynao

      Merci beaucoup pour ton commentaire et tes compliments. Je dois avouer que même moi je ne me souviens pas de la version qui est sur Wattpad. Je n’ose pas y aller j’ai peur de voir tous les défauts de l’époque.

  • Uranie Terzic

    J’ADORE
    J’aime ce que je lis, j’adore ta plume, je suis contente de pouvoir te lire, je ne serai pas constructive sur ce prologue mais c’pas mon but en vrai

    J’veux juste consummer avec un plaisir non feint ce que tu as produit :3

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