• Le diable au cœur

    Le diable au cœur — chapitre 5

    Assise à table, je regardais le chapon aux herbes apporté par ma mère en tentant de limiter la révulsion qui me prenait. Je ne comprenais pas vraiment ce qu’il m’arrivait mais, en ce moment, la nourriture me dégoûtait. Jusqu’ici, j’avais réussi à cacher cela à mon entourage. Mais ils commençaient à remarquer certains changements dans mes goûts. Même si l’on m’avait appris à ne pas faire ma difficile, j’avais mes préférences et ces dernières changeaient lentement. La semaine dernière, ils m’avaient regardée avec surprise alors que je déclarais le poisson délicieux. Mais il l’était pourtant. Cela ne faisait que deux semaines que je me sentais ainsi barbouillée mais, doucement, l’inquiétude…

  • Le diable au cœur

    Le diable au cœur — chapitre 4

    Assise devant la coiffeuse de ma mère, je regardais cette dernière et notre employée s’agiter autour de moi afin de me rendre « présentable ». Le jour qui avait suivi mes visites à domicile, ma mère m’avait emmené acheter une robe. J’avais protesté : nous avions autre chose à faire de notre argent. Mais elle n’avait rien voulu entendre, prétendant que celle que j’avais était trop vieille et que je garderais celle-ci par la suite. Voulant la raisonner, j’implorais mon père qui la soutint. « Nous pouvons nous permettre cette dépense, c’est pour assurer ton futur et celui de la boutique », avait-il dit. Je n’en revenais pas. Bien sûr,…

  • Le diable au cœur

    Le diable au cœur — chapitre 3

    — Père, comment est-il mon fiancé ? La phrase était sortie d’un coup, en plein milieu d’une conversation qui n’avait rien à voir. Les questions d’Enoc me tournaient dans la tête. J’allais me marier avec quelqu’un et j’étais incapable de répondre aux questions les plus basiques le concernant : comment s’appelle-t-il, à quoi ressemble-t-il ? Et c’était là les plus évidentes. D’autres venaient s’ajouter à leur suite. Mes parents avaient relevé la tête de leur discussion pour me regarder avec surprise avant que mon père ne déclare d’un ton surpris : — Je ne t’en ai pas parlé. Quelle erreur stupide ! Je ne comprenais pas vraiment en quoi c’était…

  • Le diable au cœur

    Le diable au cœur — chapitre 2

    Ce n’est pourtant pas ce soir-là que je flanchais. Malgré mon incapacité à aligner deux mots en sa présence, j’avais réussi à prononcer une bouillie de mots qui, une fois remis dans le bon ordre, auraient dû être un retrait poli, additionnée à l’excuse d’une famille qui m’attendait. Visiblement, il avait compris mieux que moi ce que je comptais dire car il afficha encore une fois son éternel sourire moqueur avant de me laisser me retirer sans plus insister. Je me souviens avoir été surprise… et un peu déçue. Sur le coup, je n’avais pas compris ce sentiment de déception, ça n’était venu qu’avec le recul : un gentilhomme, visiblement…

  • Le diable au cœur

    Le diable au cœur — chapitre 1

    Je ne travaillais pas encore dans une boulangerie à l’époque. À vrai dire, je n’étais même pas mariée à un boulanger. Je n’étais qu’une jeune femme encore innocente qui ne connaissait rien à la vie ni aux sentiments. Quand j’y repense, il lui a été si simple de s’introduire dans ma vie et mon cœur. J’avais seize ans à l’époque. Fille de chapelier, je travaillais à la boutique de père pour aider ma famille. Ce jour-là, l’on m’avait envoyé livrer un produit chez une noble dame. J’étais en retard par rapport à l’horaire prévu. Pour une raison mystérieuse, un chaos sans nom régnait en ville et j’avais dû faire des…

  • Histoires Perdues

    Deuil

    Le deuil est comme une rivière. Du temps doit s’écouler pour permettre de s’y faire. Je suis parfaitement au courant de tout ça, mais cela ne m’aide pas à faire mon propre deuil. C’est pourquoi je me suis tournée vers Apolline pour recevoir de l’aide. Le deuil est comme une rivière, m’a-t-elle répétée. Ce n’est pas qu’une question de temps mais aussi de savoir lâcher prise. Je dois affronter la douleur comme un torrent, sombrer pour mieux émerger. Parfois, on ne peut pas l’affronter seul. Parfois, un gilet de sauvetage se révèle nécessaire. Parfois, une main secourable sera la meilleure solution. Le deuil est comme une rivière. Apolline m’a construit…

  • Histoires Perdues

    Matinée pluvieuse

    Ton café, tout juste servi, repose sur la table. La noirceur du contenu tranche avec la couleur crème du support. Tu songes alors qu’avec une table blanche, le contraste aurait été bien plus flagrant. Néanmoins, tes yeux abîmés n’auraient pas supporté un tel blanc. Tu t’es d’ailleurs ingénié, pour cette raison précise, à ne posséder qu’un minimum de meubles de cette couleur chez toi. La vapeur émise par ta boisson s’élève en de douces volutes dans l’air. Ton regard les suit, morne et fasciné tout à la fois. Les arabesques se forment et se brisent au fil du léger courant d’air présent dans ton appartement, et revêtent un côté magique…

  • Histoires Perdues

    Derrière le masque

    Halloween. Aussi appelée Samain en d’autres temps. De par le monde, elle connaît de nombreux noms et traditions. Aujourd’hui, elle est devenue une célébration avant tout, dont la réputation a grandi aux États-Unis, puis dans le monde. Les enfants envahissent les rues, enfilent masques et costumes, et toquent aux portes. « Des bonbons ou un sort ? » déclament-ils. C’est la nuit de l’horreur, où le voile entre les morts et les vivants s’affinent, réveillant des peurs enfouies. Les adolescents et jeunes adultes américains ont tourné les festivités en une soirée souvent pleine de débauches. Et par le soft power, cette manière de procéder s’est répandue. Pour toi, sa signification change. Au lieu…

  • Histoires Perdues

    Et pourtant je t’écoute

    Voici un poème. Nuit pardonne et apprend. Elle s’est noyée. Jour est terrifiant. Que lui est-il arrivé ? * Nuit, Jour, qu’importe ! Face à la peur que je ressens. La compréhension me défend sa porte, Et me laisse dans ce carcan. * Alors je croule sous les questions, À en perdre la raison ? J’en reste affaibli, Tant le mystère s’épaissit. * J’essaie d’avancer. J’arrive à pardonner. Ton silence me rappelle le pire. Alors que peut-on construire ? * Je me sens si piégæ Prise dans le passé. De la peur nait le doute. Et pourtant je t’écoute. N’hésitez pas à découvrir mes autres histoires perdues.